
La liturgie du temps Pascal nous invite à porter nos regards et à tourner nos coeurs vers les choses de Dieu, “si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, prenez goût aux choses d’en haut, non à celles de la terre.” (Epître de la Resurrection) Étrangers à ce monde, nous sommes des pèlerins en route vers notre vraie patrie, où sera le bonheur qui ne peut cesser. Le moment viendra, pour tous ceux qui auront su aimer Dieu dans leur vie, de quitter la terre pour suivre Notre Seigneur au Ciel, où nous le verrons dans la gloire. Certes ces joies et bénédictions éternelles que Dieu réserve aux bienheureux du Ciel sont bien mystérieuses, saint Paul nous dit : “Dieu a préparé pour ceux qui L'aiment ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a point entendu, et ce qui n'est pas monté au coeur de l’homme.” Saint Jean cependant nous décrit un tant soit peu le Ciel dont il eut une vision: “Alors je vis un Ciel nouveau et une terre nouvelle; car le premier Ciel et la première terre avaient disparu. Et moi, Jean, je vis la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendait du Ciel, d'auprès de Dieu, prête comme une épouse qui s'est parée pour son époux. Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n'existera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car ce qui était autrefois a disparu. Alors Celui qui était assis sur le trône dit: Voici, Je vais faire toutes choses nouvelles. À celui qui a soif, Je donnerai gratuitement de la source d'eau
vive.” (Apoc, 21,4) Au Ciel, la mort n’existe plus, ni donc la crainte de la mort, il n’y a plus de douleurs, d’infirmités, de pauvreté, plus aucun malheur ni même de désagrément d’aucune sorte. Il n’y a pas de persécutions, d’envie, de jalousies, ni de crainte de l’éternelle damnation.
Mais la principale et la plus grande source de joie au Ciel sera la vision béatifique. Dieu daignera s’unir luimême aux intelligences de ses élus, la vérité s’infiltrera par une lumière de gloire jusqu’au plus intime de notre âme, pour nous rendre semblables au bien-aimé. « Nous Lui serons semblables, parce que nous Le verrons tel qu'Il est » (I Jn 3,2). L’âme humaine sera élevée à la vision de Dieu, elle verra ce que Dieu voit lui-même en lui-même de ses perfections divines: sa beauté, sa gloire, sa sainteté, sa puissance ; mais aussi sa bonté, son amour infini par lequel et le Père et le Fils produisent l’Amour substantiel, l’Esprit Saint. C’est ce que nous verrons s’il plaît à Dieu, vision sans intermédiaire, sans distance, sans effort, sans démonstration, sans erreur, sans incertitude, face à face, par une intuition des grands mystères que nulle intelligence créée ne peut concevoir: le mystère de la nature divine, de l’éternelle génération du Verbe, de la procession du Saint Esprit, mystère du Dieu unique en trois personnes; tous ces mystères seront à nu devant l’oeil de notre âme. Certes, la vision des créatures béatifiées ne peut être comme celle de Dieu, une compréhension parfaite de l’être infini, aussi les esprits bienheureux seront éternellement ravis d’une double admiration: l’une pour l’infinie beauté qu’ils contemplent, et l’autre pour les abîmes infinis où se perdent leurs regards, et qu’ils adorent, sans pouvoir les pénétrer jamais. L’âme ne cessera d’avoir soif et sera en même temps continuellement rassasiée, dans un unique et immobile présent qui se nomme éternité, non pas pour autant monotone, car Dieu excitera éternellement l’admiration de nos âmes, c’est l’eau vive dont parle Saint Jean.
Contempler Dieu dans sa gloire, cela veut dire aussi voir en Lui les voies de la sainte et divine Providence, les mystères de la grâce. Ce sera par exemple, telle épreuve dans une vie, qui a amené soit une conversion, soit la préservation d’un péché grave. Ainsi, les enfants de Dieu verront Dieu, et en voyant ils aiment. On parle de vision et de lumière de gloire avant d’amour car l’amour dépend de la connaissance: pour que le coeur soit en Dieu, il faut que l’intelligence le lui montre comme souverainement aimable. Le fait de toujours voir Dieu, infiniment aimable, emporte avec soi le fait de toujours aimer Dieu. Au Ciel il y aura donc ce règne de la « charité qui ne finira jamais, » (I, Cor. XIII, 8) que rien ne viendra jamais menacer ni troubler, règne de bienveillance et de reconnaissance sans bornes, pour des âmes confirmées dans la Charité et donc dans la bienheureuse impossibilité de pécher, ni de perdre jamais leur béatitude. « Entrez dans la joie de votre Seigneur. »
L’enfant de Dieu sera dans la véritable joie, dans le bonheur parfait, une éternelle extase, qui découle de la claire vue des beautés ineffables de son Père et de l’amour dont il est embrasé pour lui. Joie que procure la possession du souverain bien. Joie complète et si grande qu’il faut des coeurs agrandis et dilatés par la grâce pour la contenir. Les âmes bienheureuses sont rassasiées de bonheur, dans leur intelligence et dans leur coeur. Saint Augustin résumait cette vie du Ciel en trois mots : « Videbimus, amabimus, gaudebimus »: nous verrons, nous aimerons, nous serons dans l’allégresse. Avant d’arriver à cet heureux terme, il faut passer par les contrariétés, les luttes et les souffrances de la vie terrestre, de la vie de l'Eglise militante. Mais souvenons-nous que “les souffrances du temps présent n'ont pas de proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous.” (Rom. 8,18) Dans toutes les croix de cette vie, consolons-nous par l’espérance du Ciel, les épreuves sont finalement bien peu de choses pour parvenir à une telle félicité, relativement au poids démesuré de gloire qui nous attend. « Vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse sera changée en joie, et personne ne vous
ravira votre joie. »